La parole du silence – Intervista di “Planète Mime” a Elena Serra

Planète MiMe a été créée avec un objectif qui demeure : montrer les artistes du mime et du geste.
Aujourd’hui, nous accueillons Elena Serra, à l’occasion de la première de son spectacle La Parole du Silence, à Paris, au Théâtre du Ranelagh.

Violette Dubois – Elena Serra, vous être très connue dans le milieu du mime. Vous avez travaillé avec et auprès de grands artistes, le plus illustre étant Marcel Marceau. Néanmoins, vous n’êtes pas connue du grand public. Avec La Parole du Silence, vous décidez d’aller vers ce public, à Paris. Quel est votre parcours?
Elena Serra – Je suis née en Italie, dans un contexte très coloré, à l’ambiance fellinienne. C’est cela qui m’a fait aimer le théâtre. Je me suis intéressée très tôt au corps et au mouvement. A 20 ans, j’ai suivi un stage de mime donné par Marcel Marceau en Toscane : c’est le début de ma passion. Je me dis que le mime réunit tous les arts. J’abandonne
alors mes études des Beaux-Arts pour aller étudier à l’Ecole de Marcel Marceau, à Paris.
Au bout de trois années d’études, après mon diplôme, Marcel Marceau m’a proposé de l’assister pour un stage dans le Michigan (USA). Je montrais alors les exercices. C’est en 1991, parce qu’il était pris par une tournée, que Marcel Marceau me demande d’enseigner sa technique dans son école, en son absence. Il me permettait de transmettre ce que lui, mon Maître, m’avait transmis!

VD – Toute jeune diplômée de l’Ecole de Marcel Marceau, vous devenez professeur dans un endroit prestigieux, qui était alors l’une des écoles les plus difficiles d’accès au monde : l’Ecole de Mimodrame Internationale de Paris Marcel Marceau.
ES – J’étais pédagogue, avec un profond sentiment d’humilité car la tâche était énorme ! Parallèlement, en 1992, Marcel Marceau crée La Nouvelle Compagnie Marcel Marceau, que j’intègre pour la reprise du Manteau de Gogol. J’y resterai jusqu’à la fin, en 2005. Je participerai à toutes les créations de la compagnie, présentées dans le monde entier. Particulièrement en Italie, où l’on me désigne comme « La petite Elena de Paris avec Marcel Marceau ». Le plaisir de la transmission m’est tombée dessus lorsque j’étais jeune et fut une chance pour moi. Les pédagogues-artistes n’arrêtent jamais de chercher, cet aspect qui m’a toujours passionnée. Encore aujourd’hui, 30 ans plus tard, je continue à apprendre… et j’essaie de faire comprendre que plus on connait, moins on copie.
Au cours des années je me suis familiarisée avec diverses techniques de mime : le mime dramatique corporel d’Etienne Decroux à l’Ecole de l’Ange Fou, le mime de Pavel Rouba (disciple d’Henryk Tomaszewski). J’ai également travaillé avec Carlo Boso, pour la Commedia dell’Arte, avec Dario Fo et bien d’autres… Je me suis ainsi rapprochée d’un théâtre populaire et burlesque. Jusqu’au clown avec des êtres rares comme André Riot Sarcey. Pour la danse, il y a eu Caroline Carson, Bianca Li et Tomeo Vergès. Pour le théâtre, ce fut notamment Arianne Mnouchkine. Et pour le théâtre No, Shiro Daimon… J’ai approfondi l’étude du corps de l’acteur, de sa puissance dramatique, lyrique et burlesque. Je ne voulais pas m’enfermer.
En revanche, concernant le répertoire de Marcel Marceau, je voulais qu’il soit traduit le plus justement possible. J’ai beaucoup travaillé dans cet objectif, et avec Marcel Marceau lui-même. Ainsi, alors que j’étais encore enseignante dans son école, nous avons préparé un échange pédagogique avec l’Institut du Kabuki, au Japon. Nous avons réécrit, ensemble, l’enchainement sur l’étude des Quatre Eléments. A l’Ecole Marceau, j’apprenais aux élèves la chorégraphie de base, à partir de laquelle ils pouvaient aller vers la créativité, partir ailleurs. J’ai transcrit plusieurs des pantomimes de styles. Jamais les numéros avec Bip qui est le personnage de Marcel Marceau! Dans les exercices de style, il
y a la métamorphose, comme celle de Naissance, Maturité, Vieillesse et Mort ou bien celle de La Création du monde. Le jeux d’ellipse, d’identification, d’incarnation des personnages, toutes ces techniques confinent au tragi-comique.
J’ai appris cela moi-même et je me suis dit que c’était indispensable de le transmettre pour que les élèves comprennent l’âme de Marcel Marceau et sa force dramatique. Je mets souvent en garde contre certains malentendus: on pense que l’on copie Marcel Marceau, mais on ne copie pas Marceau! Il faut apprendre ses techniques comme socle de la dramaturgie du corps. Marceau m’a appris cette dualité : on peut être bon acteur corporel sans être un bon interprète. Je me souviens qu’il y avait beaucoup de bienveillance en lui quand on montrait notre travail d’élèves. Jamais il ne nous poussait vers l’imitation de ses personnages. S’il nous voyait émus sur la scène, il adhérait complétement et il nous encourageait.

VD – Aujourd’hui, quelle est votre vision de la pédagogie?
ES – Cela dépend du public et du concept. Quand je forme des acteurs, ou bien quand je travaille pour des danseurs, j’adapte l’exigence des différentes techniques pour les aider. Par contre, si je donne un atelier de mime et pantomime, je précise que cela est issu du répertoire de Marcel Marceau. Ces savoir-faire sont un outil précieux qu’il ne faut pas perdre. J’ai développé ma manière de transmettre, avec mon bagage d’expériences : il s’agit d’une synthèse, riche de différentes approches, qui constitue les fondamentaux de l’acteur corporel. Je ne serai jamais un professeur qui donne des cours : je suis une artiste pédagogue. Je travaille dans le but de créer un spectacle, de faire une présentation face à un public. Cela est mon véritable travail. Que ce soit à l’université, pour le théâtre, pour des jeunes, des amateurs ou des professionnels. Quand je mélange la pédagogie et l’artistique, c’est toujours dans le but d’arriver à la création. Dans cette optique de transmission – plus que d’enseignement – lorsque l’on fait appel à moi, je décide des projets les plus pertinents. Quel que soit le public, il y a un but commun: transmettre, donner des acquis, montrer un chemin possible et pousser vers la créativité. Toujours.

VD – Revenons au spectacle, La Parole du Silence. Vous l’avez déjà présenté en Italie et en France, mais vous considérez que la Première aura lieu prochainement, à Paris. Que voit-on sur scène?
ES – Il s’agit d’une artiste du mime et du geste, comme je le suis. La première écriture s’est faite il y a deux ans, en italien, après 30 ans de silence. De sueur et de silence. J’ai eu envie de raconter en quoi consistait ce silence, de retraverser ce parcours et de rire de moi, aussi… On y trouve le burlesque, le grinçant. J’ai mis face à face deux personnages: l’un voudrait parler et l’autre voudrait montrer ce qu’est le silence.

VD – Pour La Parole du Silence, vous vous êtes entourée de plusieurs personnes.
ES – Je me suis entourée de Francesca Lo Bue, diplômée de l’École Lecoq, qui a un œil pertinent. Egalement d’Aurelia Bartolomé, une artiste, pédagogue et metteuse-en-scène ; elle m’a aidée lorsque la pièce a été reprise une première fois en français. Il y a aussi Maxime Nourissat, mon collaborateur artistique. Et la famille, inconsciemment ou indirectement. Enfin, il y a le metteur en scène : Eugenio Allegri, un grand bonhomme, un Maestro aussi! C’est pour lui qu’Alessandro Baricco a écrit Novecento (NDLR Actuellement interprété par André Dussolier à Paris, au théâtre Montparnasse).

VD – Ce spectacle fait appel à la parole…
ES – Je mets dans ce spectacle tout ce que je suis. J’alterne des moments de paroles et de numéros visuels. J’ai besoin de passer par la parole pour expliquer le contexte au public, de façon anecdotique. Par contre, pour le toucher, pour
l’émouvoir, pour le faire voyager, pour qu’il retrouve l’enfant que chacun porte en soi, cela passe par la respiration, le geste, la poésie, le silence.

VD – Il semble que le public éprouve une large palette d’émotions en voyant ce spectacle. Comment l’expliquez-vous?
ES – J’aborde beaucoup de sujets et il y a plusieurs personnages en scène. On y trouve le tragique avec Médée et aussi le comique avec le premier mime, Livius Andronicus. Il y a la vieille tante, sorte de clown grinçant, et la jeune fille, passionnée du silence. Et puis il y a les personnages que j’ose incarner, avec ironie et bienveillance : Etienne Decroux, que je ne l’ai jamais rencontré mais dont j’ai senti le poids du corps, Charlie Chaplin, Jean- Louis Barrault, Marcel Marceau…

VD – Qu’en est-il du mime aujourd’hui ?
ES – Je fais partie du Collectif des Arts du Mime et du Geste. Ces dernières années, enfin, la profession, s’est dit qu’il fallait développer et montrer les savoir-faire en ce domaine ! J’espère que les gens deviendront plus curieux du mime. Malheureusement, sur YouTube, on voit des gens pathétiques qui «poussent le mur» sans savoir pourquoi. Ils ne connaissent pas la symbolique des numéros. Ils copient. C’est triste. Marcel Marceau lui-même serait très triste. Malheureusement, le mime fait toujours penser à la farce… alors que c’est au théâtre qu’il doit faire penser. Le mot mime fait peur…

VD – Marcel Marceau a disparu il y a 10 ans. Plusieurs hommages lui sont rendus, en France et à l’étranger.
ES – Beaucoup lui rendent hommage : sa famille et les artistes. Et je le fais également. Il n’y a pas d’héritier unique. Il y en a plusieurs car il a eu beaucoup d’assistants. Moi-même je l’ai été, particulièrement pour la pédagogie. Je porte cela avec un sens aigu de la responsabilité pédagogique et artistique. Les grands mimes ne sont plus là mais il y a des jeunes curieux de cet art ; il s’agit de leur transmette ce patrimoine artistique.

VD – Jouer La Parole du Silence au Théâtre du Ranelagh, c’est un symbole pour vous…
ES – Oui, à plusieurs titres. Il s’agit de jouer 10 ans après la disparition de Marcel Marceau, dans le cadre de la Biennale des Arts du Mime et du Geste et de plus, dans un lieu qui appartient au patrimoine culturel. C’est au Ranelagh que Marcel Carné a présenté le film Les Enfants du Paradis. Je suis émue d’y faire revivre Baptiste.
Par nature, l’artiste donne quelque chose de soi ; il a envie de partager. Ce spectacle représente pour moi l’hommage rendu par une femme, une mère, une artiste-mime. Je suis en marche… l’artiste ne peut, ne doit s’arrêter… Il me revient une phrase que Marcel Marceau disait souvent: Plus on avance, plus l’horizon s’éloigne… Voilà… et que le 20 novembre prochain, son œil bienveillant m’accompagne pour cette première parisienne!

Propos recueillis par Violette Dubois, fondatrice de Planète MiMe.
Paris, 13 octobre 2017. ©Planète MiMe

La Parole du Silence, Paris, Théâtre Le Ranelagh, les 20, 27 novembre et 11 décembre

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